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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/72

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LES DEMI-SEXES

Camille laissa chez Nina toutes les blancheurs de sa conscience. Elle admira cette corruption froide, voluptueusement cruelle, qui était assez forte pour commettre un crime et assez étourdie pour en rire… Nina aurait eu des larmes pour le convoi de sa victime, et de la joie, le soir, pour en lire le testament. Elle était, en même temps, l’âme du vice et le vice sans âme.

Elles firent de folles escapades ; Nina affublée d’une perruque blonde, Camille affublée d’une perruque brune. Les sourcils noircis, les traits cachés sous le rouge et le blanc gras, elles étaient méconnaissables. On aurait pu les voir dans tous les lieux où l’on s’amuse, et nul, certes, ne se fût avisé de nommer mademoiselle de Luzac en voyant cette créature provocante au regard aigu, aux lèvres entr’ouvertes en un sourire audacieux. Elles couraient les petits théâtres, les bals, les brasseries d’étudiants, au hasard de leur rencontre.

Quand elles entraient dans les salles enfumées, elles se serraient l’une contre l’autre, effrayées et contentes, dévisageant les filles et les hommes ; puis, de temps en temps, comme pour se rassurer contre un danger tou-