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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/73

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LES DEMI-SEXES

jours possible, se rapprochaient du municipal, grave et immobile, qui ne semblait même pas les voir.

Pendant des mois, se poursuivit leur série d’excursions dans tous les endroits louches où s’amuse le peuple, et elles avaient un goût passionné pour ce vagabondage dangereux. Les vapeurs acres de l’alcool et du tabac engourdissaient leurs nerfs ; elles regardaient sans surprise la tribu des filles et des souteneurs rôder dans les corridors des promenades circulaires. Des femmes fardées et défraîchies trônaient derrière des comptoirs, vendant des boissons et de l’amour.

Parfois, Camille, trop violemment insultée, murmurait : « Allons-nous-en. » Et elles filaient, la tête basse, d’un pas menu, entre les buveurs accoudés aux tables qui les regardaient passer d’un air soupçonneux. Une fois dehors, elles poussaient un grand soupir, comme si elles venaient d’échapper à quelque terrible péril. Pourtant, il y avait là toutes les professions et toutes les castes : des employés de banque, de magasin, de ministère, des reporters, des officiers en bourgeois, des élégants en habit qui venaient de dîner au cabaret et qui allaient à l’Opéra ; mais la canaille do-