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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/75

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LES DEMI-SEXES

leur déguisement. Devant elles, parfois, la brigade des mœurs opérait des rafles horribles, sauvages, aveugles, emmenait les gigolettes et les pierreuses au Dépôt dans le panier à salade. Les deux amies se rapprochaient dans leur voiture bien close, prises d’une inquiétude soudaine. Les coups de sifflet déchiraient l’air, et la horde menaçante cernait le gibier humain qui hurlait et se débattait entre les mains brutales.

C’était une course folle de formes vagues sous les arbres couverts de givre ; puis, tout rentrait dans l’ordre subitement, devant les cafés et les cabarets en liesse. Quelquefois, elles avaient perdu leur voiture, s’étaient égarées, avaient marché, honteuses et crottées, sous le ciel bas, dans la suspecte obscurité d’une avenue de barrière. Les maisons rouges des marchands succédaient aux treillages des guinguettes, aux masures basses, lépreuses et sinistres.

Elles passaient devant des boutiques sordides, scellées et noires ; devant des pans de murs mystérieux, devant des allées maudites qui semblaient mener à des logements de meurtre. Les jardinets ressemblaient aux coins de cimetières où l’on enterre les pauvres ; partout des tessons de bouteilles et une vague