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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/76

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LES DEMI-SEXES

puanteur de misère. De temps en temps, à un brusque tournant, des ruelles s’ouvraient qui semblaient tout à coup s’enfoncer dans un trou, et il y avait, sans cesse, sous les pieds, des épluchures et de la boue.

Elles allaient, tremblantes, angoissées, insultées souvent par une voix enrouée d’ivrogne ou de souteneur. Elles battaient tout l’espace où la canaille soûle de ces endroits trouve ses amours, et, à bout de forces, s’arrêtaient devant un hôpital ou un abattoir. Des prostituées sordides les dévisageaient, des hommes avançaient brutalement leurs mains pour les saisir. Malgré leur fatigue elles s’enfuyaient, finissaient par trouver un fiacre, égaré comme elles, et s’y engouffraient exténuées, plus mortes que vives, regardant par les portières si on ne les suivait pas. Peu à peu les rues devenaient moins sinistres ; les salles des marchands de vin ne semblaient plus des antres d’assassins. On y voyait, par les carreaux suants, des batteries de cuisine, des bols de punch, des flacons de liqueurs multicolores. Les hôtels avaient des entrées moins affreuses, les rues devenaient claires et propres. Camille et Nina se rassuraient et, la face pâlie, riaient follement de leur aventure.