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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/83

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LES DEMI-SEXES

flétés dans le verre poli, elle se reconnut à peine, et il lui sembla qu’elle ne s’était jamais vue. Ses yeux lui parurent plus grands, d’une autre teinte, profondément enfoncés dans les orbites, et, certes, elle n’avait pas encore été aussi pâle.

Brusquement, cette pensée l’étreignit d’une façon terrible : « Demain, à cette heure-ci, je serai peut-être morte ! »

Elle se retourna vers sa couche et se vit distinctement étendue sur le dos, avec ce visage creux qu’ont les morts et cette rigidité amaigrie des mains jointes sur la poitrine.

Alors, elle eut peur de son lit, et, afin de ne plus le voir, elle s’approcha de la cheminée et s’agenouilla devant le feu pour le ranimer. Elle prit les pincettes et tisonna pendant quelques instants. Un frémissement nerveux agitait tout son corps ; sa tête s’égarait ; des hallucinations tournoyantes, douloureuses, une ivresse étrange envahissaient son cerveau, comme si elle eût bu. Et, sans cesse elle se demandait : « Que vais-je devenir ? » Puis, elle songea que rien ne la forçait, que la vie était belle pour elle comme pour les autres ; qu’elle était jeune, robuste, pleine d’années et d’avenir… « À quoi bon, alors ?… Pourquoi tenter