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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/91

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LES DEMI-SEXES

vite raison de sa pensée. Ses yeux palpitèrent, dérobant à demi, sous leurs longues paupières, leurs orbes de velours pâle.

Elle parlait maintenant d’une voix changée, singulière, qui n’avait jamais été la sienne. Sa parole avait quelque chose de vague, de palpitant, de suspendu, avec de grands silences de respiration et de mots exhalés comme des soupirs. Elle semblait retrouver à tâtons des souvenirs et passer la main sur des visages. On entendait :

« Oh ! plus jamais !… Non, je ne le dirai pas… Il y avait de la neige sur les arbres… Mais, il m’aimera !…  » Son sein se soulevait, elle respirait des effluves printaniers. « Tiens, des pommiers… des pommiers en fleurs… à côté des fleurs il y a des fruits… Ils ont mûri bien vite, bien vite !… Non, je n’en mangerai plus… Cette odeur me fait mal !… Il y a des vers dans les pommes !… Oh ! une bête m’a piquée… Voyez, il y a du sang !… Elle monte, elle monte… Enlevez-la !… »

Nina se trompait dans ses prédictions ; Camille n’eut pas la force de résistance qu’elle lui supposait, et des complications se déclarèrent qui mirent sa vie en danger.

Pendant cinq jours, pelotonnée dans son lit,