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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/103

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— 1800 - 1807 —

« qu’elle était surtout instituée pour conserver les droits acquis par la nation depuis 1789 et maintenir la liberté et l’égalité, » sacrifiait sans hésitation ces conquêtes, ce n’était pas, ainsi qu’elle osait le dire par une sorte de froide raillerie, pour « préserver la France des redoutables rets de la tyrannie et de la massue de fer du despotisme ; » elle n’avait qu’un but : se faire concéder, en échange de ce sacrifice, de nouveaux et notables priviléges. Dans un mémoire secret qui accompagnait l’Adresse dont nous venons de reproduire les principaux passages, le Sénat demandait, entre autres avantages, au futur Empereur, de voir la dignité viagère de chacun de ses membres changée en dignité héréditaire, et d’obtenir que les Sénateurs ne fussent plus désormais justiciables que de leur propre Assemblée.

Bonaparte accueillit gracieusement l’Adresse, et tint immédiatement des conseils privés où furent appelés successivement la plupart des Sénateurs, des Tribuns et des membres du Corps législatif. Tous s’y montraient d’accord pour proclamer la nécessité de relever le trône et d’y placer le Premier Consul ; mais chacun stipulait son prix : les Sénateurs insistaient pour obtenir l’hérédité de leurs fonctions ; les Législateurs et les Tribuns réclamaient une considérable augmentation de traitement[1]. Bonaparte affectait de ne pas entendre ces demandes indignes ; on pouvait même croire qu’il n’avait pas daigné lire le mémoire secret du Sénat. Mécontents de ce silence, les Sénateurs remettaient d’une séance à l’autre la rédaction définitive du Sénatus-Consulte destiné à réaliser le changement politique que chacun maintenant attendait. Le mouvement, en effet, était donné : le Moniteur ne suffisait plus à enregistrer les Adresses où, de tous les points du territoire, on demandait l’Empire ; chaque jour, de nombreuses députations se succédaient à Saint-Cloud pour faire entendre

  1. Les Tribuns recevaient annuellement 15,000 fr., et les membres du Corps législatif 10,000.