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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/104

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— 1800 - 1807 —

le même vœu. Ces manifestations multipliées n’avaient pas uniquement leur source dans l’impulsion donnée aux classes officielles par le gouvernement lui-même, ou dans la servilité de quelques ambitions impatientes ; elles exprimaient le sentiment vrai d’une partie notable de la population, sentiment qui s’était développé sous la double influence de l’indignation causée par le complot de Georges et des craintes inspirées par le retour possible des Bourbons. Placer une couronne sur la tête du Premier Consul, ce n’était pas seulement récompenser d’immenses services et consacrer la souveraineté du génie, disait-on ; c’était protéger la vie de Bonaparte contre les coups des assassins : or, en garantissant cette vie, on protégeait tous les intérêts issus de la Révolution ; on sauvait d’une réaction sanguinaire tous les hommes compromis par leurs actes ou par leurs votes sous le régime conventionnel et directorial ; on assurait, aux acquéreurs de biens nationaux, leurs propriétés ; aux militaires, leurs pensions ou leurs grades ; aux fonctionnaires de tous les ordres et de tous les rangs, leurs droits, leur position ; au pays entier, enfin, le régime d’égalité, et les conquêtes civiles qui faisaient sa grandeur et sa force. D’ailleurs, ajoutait-on, la France, depuis douze ans, vivait, pour ainsi dire, au jour le jour, passant incessamment d’un gouvernement violent ou faible à un gouvernement incertain ; après douze années d’agitation et de troubles, c’était le repos. Enfin, on n’augmentait pas le pouvoir du Premier Consul en lui donnant un nouveau titre ; sa puissance était celle d’un véritable monarque ; on ne faisait qu’ajouter le droit au fait.

Entraîné par ce courant d’opinion que lui-même avait provoqué, encouragé ; enchaîné, d’ailleurs, par ses précédents Messages, le Sénat aurait vainement voulu prolonger sa résistance : il dut se soumettre, et, le 26 floréal, vingt-trois jours après la motion faite par le tribun Curée, un projet de Sénatus-Consulte pour l’établissement de l’Empire fut soumis aux