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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/108

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— 1800 - 1807 —

de Varsovie crurent donc faire merveilles en imposant à Louis XVIII le rôle d’une victime poursuivie, elle aussi, par le poignard ou par le poison. Ce prince, dans l’intérêt de sa cause, fut condamné par eux à échapper, à son tour, aux coups d’assassins gagés par le nouvel Empereur. On discuta longtemps sur la mise en scène de ce drame domestique. Après avoir accueilli, puis repoussé plusieurs combinaisons, on s’arrêta à la tentative la plus vulgaire et la plus prosaïque, à l’empoisonnement par l’arsenic. Voici ce que racontent très-sérieusement, à ce sujet, plusieurs écrivains royalistes :

Il existait à Varsovie un Français, nommé Coulon, qui, après avoir servi dans les rangs de l’Émigration, sous les ordres du duc de Pienne, alors premier gentilhomme de la chambre de Louis XVIII, était ensuite entré au service du baron de Miliville, écuyer de l’épouse de ce prince, puis avait fini par acheter une espèce de cabaret-billard où se réunissait, presque chaque soir, la domesticité de la petite cour bourbonienne. Deux inconnus abordent un jour ce Coulon, et lui demandent s’il désire gagner de l’argent ; sur sa réponse affirmative, ils laissent échapper ces mots : « Le cuisinier de la maison de Louis XVIII vous connaît ; il vous est facile d’approcher de ses fourneaux ; si vous voulez faire ce que nous vous dirons, votre fortune est assurée. » Coulon, disent les écrivains auxquels nous empruntons ces détails, cachant son trouble, demanda ce qu’il fallait faire : « Nous vous le dirons demain, » répondirent les inconnus en se retirant. — Coulon courut aussitôt vers MM. de Pienne et de Miliville, leur raconta ce qui venait de lui arriver, et reçut l’ordre d’aller en avant. Le lendemain, les deux étrangers se représentent, demandent du champagne, et apprennent à Coulon, après boire, qu’il s’agit uniquement de s’introduire dans la cuisine du roi et de jeter quelques légumes dans la marmite au bouillon. « Où sont ces légumes ? demanda Coulon. — Nous vous les remettrons après-demain. — Ici ? — Non, hors de la ville, à l’entrée du Village-Neuf. »