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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/109

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— 1800 - 1807 —

Coulon accourt une seconde fois au château, et raconte cette conversation. On lui ordonne de pousser jusqu’au bout. Le surlendemain, il se rend au lieu indiqué, et trouve les deux inconnus, qui lui remettent trois carottes creuses renfermant une certaine poudre, lui donnent quelques écus pour l’encourager, et lui promettent 400 louis s’il réussit à « faire le coup. » On se quitte sur ce dernier mot. Coulon porte bien vite ses trois carottes au comte d’Avaray et à l’archevêque de Reims, qui, apposant leur cachet sur chacune d’elles, les transmettent à la police prussienne avec une sorte de procès-verbal, récit de tous les faits rapportés par Coulon. La police lut ce rapport, ne vit dans la déclaration de Coulon qu’une plaisanterie d’assez mauvais goût, et renvoya le procès-verbal, ainsi que les pièces de conviction, à l’archevêque de Reims et au comte d’Avaray. Ces messieurs s’adressèrent alors aux autorités judiciaires, qui refusèrent également de poursuivre. Repoussés de tous côtés, le comte et l’archevêque se formèrent en commission avec le duc de Pienne, le marquis de Bonnay, le duc de Croï-d’Havré, les comtes de la Chapelle, de Damas-Crux, Étienne de Damas, l’abbé de Frimont ; ils appelèrent Coulon devant eux, l’interrogèrent de nouveau, et, faisant immédiatement opérer, par deux médecins, l’ouverture des légumes accusateurs, ils découvrirent, à l’intérieur de chaque carotte, une matière pâteuse que les deux docteurs déclarèrent être formée par un mélange des trois arsenics, blanc, jaune et rouge.

À cette découverte, l’entourage de Louis XVIII poussa une telle clameur, que ce prince dut penser qu’il venait d’échapper à une tentative sérieuse d’empoisonnement. Il se plaignit, à son tour, à toutes les autorités de Varsovie, mais sans plus de résultat ; on lui fit poliment entendre qu’il était dupe d’une comédie grossière. Le gouvernement anglais et ses journaux, avertis par les correspondances échangées entre les émigrés des deux pays, montrèrent, en revanche, la crédulité la plus