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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/116

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— 1800 - 1807 —

rais citer qui, pour écarter les soupçons, ne manquaient jamais de livrer à un parti les confidences qu’ils recevaient de l’autre, espérant se ménager l’appui de tous les deux. Comme en général on se croyait, dans les salons, à la veille d’une nouvelle révolution, ils espérèrent s’en assurer les bénéfices en vendant à terme du cinq pour cent au plus bas cours. Ce fut pour eux un rude mécompte que la journée d’Iéna[1] ! ils subirent la peine de leurs faux calculs. Quant aux autres, tant étrangers que Français, ils eurent bientôt pris le parti d’adresser à la supériorité de Napoléon tous les hommages qu’ils destinaient à son adversaire ; ils s’étaient promis de proclamer le roi de Prusse le vengeur du monde ; ils ne firent que changer le nom : c’était Dieu, disaient-ils alors, qui avait armé l’invincible bras de Napoléon pour punir la violation des traités. Ils allaient chercher leurs preuves jusque dans les livres saints pour établir que Napoléon était l’instrument des volontés de Dieu ; ils répétaient sous mille formes qu’il avait été doué par Dieu même de toutes les qualités qui distinguent les chefs des nations, les fondateurs des empires. Ce n’est pas sans raison, sans doute, qu’on reproche au règne de Napoléon d’avoir produit beaucoup de flatteurs ; mais souvent ceux qui l’encensaient le lendemain d’une victoire avaient été ses détracteurs la veille ; ils louaient sans pudeur, comme ils venaient de calomnier sans mesure, toujours d’autant plus exagérés dans leurs expressions, qu’ils mettaient moins de bonne foi dans les opinions qu’ils exprimaient, et voulant couvrir, aux yeux du vainqueur, par l’affectation de leur enthousiasme pour lui, la trace des vœux que naguère ils formaient contre lui.

J’examinai avec soin, par exemple, si, au milieu des espérances de changements qui agitaient tant de têtes, quelque retour se manifestait en faveur des Bourbons, soit de la part des agents étrangers, soit de la part des Français qui espéraient,

  1. Gagnée par Napoléon le 14 octobre 1806.