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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/125

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— 1800 - 1807 —

Louis XVIII désigne habituellement par les lettres B. P. Annonçant au comte d’Avaray l’arrivée de Lucien Bonaparte, à Malte, comme prisonnier des Anglais, il ajoute : « On veut le représenter (Lucien) comme s’étant évadé, et il avait quarante personnes à sa suite ! B. P. ne pouvait donc pas ignorer ce départ, car il n’est pas servi par des imbéciles. Quel en était donc le but ? Je l’ignore complétement. Tout ce que je sais, c’est que je regarde M. Lucien comme un autre Sinon. Mais il était brouillé avec son frère... Plaisante raison ! querelle de coquins n’est rien. Ils ont le même intérêt ; voilà le lien de tous ces gens-là[1]. » Dans d’autres lettres, nos généraux les plus illustres sont l’objet de plaisanteries d’un aussi mauvais goût : Masséna, battant les généraux anglais en Espagne et en Portugal, est pour lui, non pas l’enfant chéri, mais l’enfant pourri de la victoire. Ces sentiments d’hostilité haineuse contre nos soldats et leurs chefs étaient partagés, au reste, par tous les autres membres de sa famille. Des lettres récentes, et dont l’authenticité n’a pas été contestée, ont prouvé que le chef de la branche d’Orléans, lorsqu’il résidait à Palerme, ne désirait pas avec une vivacité moins sincère le triomphe des généraux anglais et la destruction de nos armées.

Le Moniteur, à la vérité, mettait à de fréquentes et rudes épreuves la résignation du chef des Bourbons. Chaque jour cette feuille enregistrait des défections nouvelles ; et Louis XVIII, à mesure que grandissait l’établissement impérial, voyait passer au service du Victorieux, qu’il appelait l’usurpateur de sa couronne, les hommes qui avaient été le plus avant dans sa confiance et dans les faveurs de l’ancienne cour. Mais la mesure se trouva comblée quand le journal officiel lui annonça le

  1. Les deux frères étaient positivement séparés. Lucien s’était retiré, dès 1804, dans les États de l’Église : or le pape venait d’être enlevé de sa capitale et transféré en France ; Rome allait devenir le simple chef-lieu d’un département francais. Résolu à ne pas résider dans les États de son frère, Lucien s’était embarqué pour les États-Unis, à bord d’un navire napolitain que les Anglais ne tardèrent pas à capturer et qu’ils conduisirent à Malte.