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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/132

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— 1800 - 1807 —

triste union sur les revers de ses deux dernières campagnes : cette influence fut réelle ; mais elle n’aurait pas suffi pour le renverser. Les causes de sa chute sont multiples. Ainsi il a dit également de la guerre d’Espagne : « Cette malheureuse guerre m’a perdu ; toutes les circonstances de mes désastres viennent se rattacher à ce nœud fatal ; elle a divisé mes forces, multiplié mes efforts, ouvert une aile aux soldats anglais, attaqué ma moralité en Europe. J’embarquai fort mal l’affaire, je le confesse ; l’immoralité dut se montrer par trop patente, l’injustice par trop cynique ; le tout demeure fort vilain. » Il aurait pu tenir le même langage au sujet de la création de l’inutile royaume de Westphalie, de l’envahissement et de l’incorporation du duché d’Oldenbourg, qui furent l’occasion de sa rupture avec Alexandre et de la fatale campagne de Russie ; il pouvait encore attribuer sa chute à ce régime d’absolu despotisme et de compression morale sous lequel il s’efforça de courber toutes les forces vives de la France politique ; il devait surtout en accuser l’orgueil de son génie, et cet enivrement qui, en le portant à voir la nation en lui seul, la puissance et la grandeur de la patrie dans sa puissance et dans sa grandeur personnelles, lui firent employer la plus grande partie des ressources laissées par la République à élever des frères incapables sur des trônes d’un jour, et à étendre les frontières de son empire depuis les bouches de l’Elbe jusqu’à celles du Tibre. Peu de temps avant son mariage, se reposant de la campagne de Wagram dans les fêtes de Fontainebleau, il laissait échapper ces propos de table :

« Où est telle division ? — À Salzbourg, sire. — Ma garde à Salzbourg ! Elle sera bientôt ici. Cela prouve que l’Europe est bien petite... je ne suis pas ambitieux ; les circonstances seules m’ont obligé à faire ce que j’ai fait. Mon grand ouvrage n’est cependant encore qu’ébauché ; mais j’aurai le temps de le finir, car je vivrai quatre-vingts ans.