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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/133

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— 1800 - 1807 —

Les affaires d’Espagne m’ont empêché d’anéantir, comme je le voulais, la maison d’Autriche. Sa destruction est nécessaire à l’affermissement de mon système. Avant tout, il faut finir les affaires d’Espagne. Moi seul je le puis : où je ne suis pas, rien ne va bien ; il faut que je sois partout ! L’Espagne arrangée, je reviendrai à l’Autriche. Elle est cernée ; elle ne pourra plus opposer une longue résistance[1]. »

Napoléon, aussi longtemps qu’il fut sur le trône, n’aperçut pas ses fautes, même celles dont il s’est accusé avec le plus d’amertume ; il lui fallut, pour les comprendre, les enseignements de sa double chute ainsi que le silence et les réflexions de sa prison. Ses adversaires du dedans et du dehors, tant qu’il resta debout, ne les virent pas davantage. Seuls, quelques-uns de ses amis les plus sincères, les plus dévoués, ne partageaient pas l’illusion commune. À l’époque où le Conquérant se plaignait que l’Europe fût trop petite et annonçait que son ouvrage n’était encore qu’ébauché ; lorsque, victorieux pour la troisième fois de l’Autriche et dominateur du continent, il paraissait dans toutes les fêtes publiques suivi du roi de Saxe, du roi de Bavière, du roi de Wurtemberg, d’un frère du roi de Prusse, d’un frère de l’empereur d’Autriche, et des rois de Hollande, de Naples et de Westphalie, qui tous lui faisaient cortége à ce moment, disons-nous, où sa puissance et sa grandeur paraissaient, aux yeux de la foule, hors des atteintes de la fortune, le prince Eugène de Beauharnais, alors vice-roi d’Italie et fils adoptif de Napoléon, disait au comte Mollien : « L’Empereur se trompe sur l’état de l’Europe ; peut-être les souverains qui doivent à son appui un accroissement apparent de puissance se trompent-ils eux-mêmes sur les dispositions de leurs sujets. Mais les nations ne se trompent pas sur la domination nouvelle qu’exerce sur elles une seule nation, ou plutôt un seul homme. Ils ne

  1. Mémoires et souvenirs du comte Stanislas de Girardin.