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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/141

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— 1813 —

habitude qu’à la circonstance. Lorsque cet homme extraordinaire se prêtait à certains actes qui pouvaient bien ne pas lui être familiers, il savait du moins leur donner toujours le mérite du naturel et de la simplicité.

Revenant à moi, et à quelques questions que justifiaient de ma part le mode et la singularité de son retour : « Je ne voyageais pas plus commodément quand j’étais petit officier d’artillerie, me dit-il ; vous voyez que j’ai bien fait de ne pas l’oublier : il est vrai qu’alors mes courses n’étaient pas aussi longues, et qu’on s’occupait moins de mes voyages ; la machine humaine est la même pour toutes les conditions ; elle se prête à tout pour qui sait s’en servir. »

L’Empereur me parla ensuite très-brièvement de quelques faits qui s’étaient passés pendant son absence, et je croyais qu’avant de me congédier il me ferait quelques questions sur la situation des finances ; il se borna à me dire que la Trésorerie, qui paraissait avoir fait jusque-là assez bonne contenance, allait encore avoir de nouveaux échecs à réparer. Il faisait sans doute allusion aux pertes d’argent faites dans la retraite de Moscou ; je n’en avais pas encore la nouvelle ; je voyais bien, d’ailleurs, que ce n’était pas aux affaires de mon ministère qu’il avait destiné cette entrevue, et je me retirai.

Lorsque je quittai les Tuileries, le bruit de l’arrivée de l’Empereur était déjà répandu dans Paris ; on savait que je l’avais vu ; je trouvai, en rentrant, mon cabinet assiégé par une foule de personnes conduites par un sentiment plus sérieux que la simple curiosité ; leur impatience leur avait fait trouver mon entrevue plus longue encore qu’elle n’avait été ; chacun m’abordait avec sa question ; je ne pouvais faire à tous que la même réponse : j’avais trouvé l’Empereur aussi calme qu’avant son départ, et je désirais que sa sécurité pût en donner aux autres. Mais cette sécurité contrastait tellement avec le sinistre bulletin, avec les désastres qu’il annonçait, et toutes les nouvelles reçues par la voie du commerce,