Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
— 1813 —

que l’on concluait seulement de ma réponse, que je n’avais rien appris, ou que je ne disais pas tout ce que je savais. Je remarquai dans les mêmes hommes un sentiment contradictoire : ils étaient contents de savoir Napoléon à Paris, et mécontents de ce qu’il avait quitté son armée. On voulait généralement la paix ; on la voyait plus éloignée que jamais, et l’on se demandait où seraient les moyens de continuer la guerre.

Cette disposition uniforme des esprits n’empêcha pas le Sénat, le Corps législatif, le Conseil d’État, les corps judiciaires, le corps municipal de Paris, de venir, comme après les retours triomphaux, offrir à Napoléon les hommages de la reconnaissance, du dévouement et de la fidélité de la France entière, toujours prête à faire les nouveaux efforts qu’il exigerait d’elle. Ces phrases d’habitude, qui restaient les mêmes dans des circonstances si différentes, étaient-elles, comme autrefois, l’expression de l’opinion publique ? Napoléon lui-même n’était pas dupe de ces scènes de palais, ni de leur effet sur la France. Sa présence à Paris, son stoïcisme apparent sur les revers qu’il venait d’éprouver, sa confiance même dans les succès d’une nouvelle campagne, ne modéraient pas, en effet, le sentiment de lassitude et d’anxiété répandu dans toutes les classes ; on ne demandait pas à l’Empereur de nouvelles victoires, mais une nouvelle politique : la France ne trouvait plus de sécurité dans celle où il s’était engagé ; et, Napoléon, de son côté, ne concevait pas de sécurité pour lui dans un autre système. Il ne se dissimulait pas qu’il n’aurait pas moins à craindre de ses alliés que de ses ennemis ; et c’était précisément pour prévenir et conjurer les menaces de toute l’Europe qu’il voulait reprendre encore, le premier, une attitude menaçante. Le temps était passé où il pouvait obtenir, de l’enthousiasme public, de nouveaux efforts ; il ne pouvait plus que les arracher au dévouement et à l’habitude de l’obéissance.

C’était une époque peu favorable, en effet, pour un appel