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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/143

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— 1813 —

de nouveaux conscrits que celle où, sur tous les points, tant de soldats anciens rentraient dans leurs foyers comme des fugitifs. Aussi, malgré les soins que prenait Napoléon pour relever tous les courages, étaient-ils bien tristes ces jours qui apportaient, chaque matin, en détail, de nouvelles révélations sur le malheur que l’on n’avait d’abord connu qu’en masse ; c’était par ces détails mêmes que le deuil se multipliait dans les familles.

Cependant Napoléon s’occupait de réunir les débris épars de l’armée et de remplir les cadres de chaque corps par de nouveaux soldats. Il savait que les Russes avaient envahi la Pologne et que la Prusse rompait son alliance avec lui ; que l’Autriche hésitait, et que toute l’Allemagne attendait les armées d’Alexandre comme auxiliaires. Pour entrer en campagne au printemps, il lui fallait créer, en trois mois, une armée au moins égale à celle qu’il avait perdue. Il voulait conserver toutes les provinces qu’il avait enlevées à l’Autriche ; soutenir la guerre d’Espagne ; maintenir toutes les garnisons qui occupaient la Hollande, les forteresses de la Prusse, Stettin, Custrin, Magdebourg, les villes anséatiques, Brême, Lubeck, Hambourg, Dantzick et même Kœnigsberg. Il disait que, s’il cédait une ville, on lui demanderait des royaumes ; qu’il connaissait bien l’esprit des Cabinets étrangers ; qu’en ne leur abandonnant rien il les intimiderait encore par le sentiment de sa supériorité ; que la paix, dont ils avaient plus besoin encore que la France, en serait plus facile ; qu’obligés par cette longue ligne de défense, de diviser leurs forces, ils ne pourraient, nulle part, lui opposer des masses ; que, partout où il n’aurait pas le climat à combattre, il viendrait facilement à bout des hommes ; et que, lors même que toute l’Allemagne se joindrait aux Russes, une seule victoire suffirait pour rompre ce nœud mal assorti. À côté de la prétention de tout conserver, l’alternative de s’exposer à tout perdre ne se présentait jamais à son esprit.