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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/144

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— 1813 —

Assurément on ne supposait pas encore à Paris, ni ailleurs, que la fortune de nos armes pût se démentir. Mais la perspective de guerres interminables fatiguait toutes les pensées. La France était désenchantée de tout triomphe inutile et de toute exagération de gloire. Sans être épuisée de ressources, elle regrettait les sacrifices qu’elle voyait employer au profit d’une ambition qui dépassait les bornes de la sienne. Malgré les routes nouvelles que l’on ouvrait avec effort à son industrie, la nation se trouvait chaque jour comme plus isolée des autres nations, au milieu même de cette agglomération de nouveaux peuples auxquels on imposait son nom. Je me rappelle cette phrase remarquable que je lus alors dans une lettre écrite par un négociant d’un de nos ports à son correspondant de Paris : Quand même nous aurions établi un préfet français à Moscou, qu’est-ce que cela aurait prouvé à Londres ? Aussi n’est-ce qu’avec une sorte de résignation qu’on attendait de nouvelles victoires ; et si, pour les nouveaux efforts que Napoléon avait à demander à la France, il n’avait pas de résistance à craindre, il n’avait pas non plus d’empressement à espérer[1]. »

Trois Sénatus-Consultes, rendus successivement les 9 et 11 janvier, et 3 avril (1813). mirent à la disposition du gouvernement un total de 810,000 conscrits à prendre sur les classes suivantes : 9 janvier, 120,000 hommes sur les classes de 1814 et des années antérieures ; 160,000 hommes sur la classe de 1815 ; 11 janvier, 100,000 hommes sur les 100 cohortes formant le premier ban de la garde nationale[2] ; 100,000 hommes sur les conscriptions de 1809, 1810, 1811

  1. Comte Mollien. Mémoires d’un ministre du Trésor, t. III.
  2. Un sénatus-consulte du 13 mars 1813 avait divisé la garde nationale de l’Empire en premier ban, second ban et arrière-ban. Le premier ban se composait de tous les hommes de vingt à vingt-six ans qui, appartenant aux six dernières classes de la conscription mises en activité, n’avaient pas été appelés à l’armée active. Ce ban ne devait pas sortir du territoire de l’Empire. À la vérité, ce territoire comprenait, à cette époque, une moitié de l’Italie,