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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/146

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— 1813 —

supposer ; car, dans les premières semaines qui suivirent son retour, on put surprendre en lui une certaine défiance de l’avenir, on put l’entendre répondre, à plusieurs députations qui venaient le complimenter et protester de leur dévouement : C’est pour les revers, s’il en arrive, qu’il faut me réserver votre zèle. Mais lorsque, à trois mois de là, vers la fin de mars, il se vit à la tête de forces assez considérables pour aller prévenir et défier, au cœur même de l’Allemagne, les armées de la Prusse et de la Russie, son imagination mobile s’enflamma et lui présenta sa position sous un autre aspect ; ses passions reprirent le dessus. Chaque matin, dans la cour des Tuileries, il passait la revue de quelques-uns des nombreux régiments qu’il venait de créer par une sorte de miracle ; sa vue électrisait ces jeunes soldats ; ils se montraient ardents, enthousiastes ; leurs cris l’enivraient. Cette belle armée ne mérite-t-elle pas au moins les honneurs d’une victoire ? s’écriait-il après le défilé. « L’Empereur n’est pas changé, disait alors avec tristesse, au ministre du Trésor, le comte Lavalette, un des hommes les plus sincèrement dévoués à la personne et au gouvernement de Napoléon. La leçon du malheur est perdue. Quand donc finira la guerre, s’il retrouve sa fortune, et quelle sera la paix, s’il succombe[1] ? »

Ce fut le 13 avril que l’Empereur partit pour la campagne de Saxe. Dix-neuf jours plus tard, le 2 mai, à Lutzen, il attaquait en personne, à la tête de quatre-vingt-cinq mille conscrits des dernières levées, cent sept mille Russes et Prussiens tous vieux soldats. Napoléon manquait de cavalerie ; celle qu’il lui avait fallu créer n’était pas suffisamment formée, ou n’avait pas encore eu le temps de rejoindre. L’absence de cette arme rendit la victoire plus disputée. Enfin, le soir, les Alliés forcés dans toutes leurs positions, étaient obligés de se retirer avec une perte de quinze mille hommes, perte con-

  1. Comte Mollien. Mémoires d’un ministre du Trésor.