Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
— 1813 —

son désir ardent de la paix, et il admit la nécessité de laisser l’empire français assez fort pour balancer la puissance russe.

Toutes les difficultés semblaient aplanies. M. de Metternich cédait sur tous les points, depuis que la cession de l’Illyrie n’était plus mon dernier mot. Je croyais l’avoir ramené à ma cause, et je me laissai aller à lui dire : Je vous ai donné vingt millions ; en voulez-vous vingt autres ? je vous les donnerai. Mais combien l’Angleterre vous offre-t-elle donc ?

La foudre n’a pas d’effet plus prompt. La pâleur mortelle de M. de Metternich me prouva l’énormité de ma faute. Je venais de m’en faire un ennemi irréconciliable.

Ces fautes appartiennent à ma nature impressionnable ; il y a chez moi de certaines cordes qui vibrent avec la violence de la foudre quand par malheur elles sont heurtées dans leur susceptibilité d’honneur ou de patriotisme ; c’est comme ma sortie à cet ambassadeur anglais qui osa me rappeler la bataille d’Azincourt. À Dresde, c’était différent ; je suis impardonnable. Mes passions nobles ne sont pas mon excuse ; c’est un mauvais sentiment qui m’a fait dire à M. de Metternich : Mais combien les Anglais vous donnent-ils donc ? C’était l’humilier par plaisir, et il ne faut jamais humilier l’homme que l’on veut gagner[1]. » — « En effet, depuis ce moment, a dit le duc de Bassano, qui était présent à l’entretien, nous n’avons jamais pu l’avoir pour traiter, et nous n’avons pas tardé à nous apercevoir que l’Autriche avait pris son parti. » L’Empereur, après cette entrevue, aurait dû rompre toute négociation. Mais, gendre de François II, Napoléon n’admettait pas que

  1. Récits de Sainte-Hélène, par le comte de Montholon. — Les Mémoires tirés des papiers d’un homme d’État (le prince de Hardenberg), dont la rédaction est attribuée au baron de Stein, un des principaux ministres de la coalition, contiennent, sur cette entrevue, des détails presque semblables à ceux donnés par Napoléon, et que M. de Hardenberg tenait probablement de M. de Metternich lui-même ; ils rapportent le mot jeté à ce dernier : « Mais combien l’Angleterre vous offre-t-elle donc ? » à peu près dans les mêmes termes. Puis, ils ajoutent :
    « Ce dernier mot échappé, un profond silence régna de nouveau. Dans la