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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/190

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— 1813 —

de la justice, en quelques années, M. Molé, dans cette occasion, donna une preuve curieuse de cette servilité intrépide qui fit la fortune d’un grand nombre de serviteurs alors fort dévoués de l’Empire, mais qui ne fut pas sans influence sur la chute du souverain ; voici le motif sur lequel il insista :

« Il peut arriver que les hommes portés sur la liste des candidats, quelque honorables et distingués qu’ils soient par leurs lumières, n’aient jamais été connus de l’Empereur...

Or il est, dans le palais, des étiquettes, des formes, qu’il est convenable de connaître, et qui, faute d’être bien connues, peuvent donner lieu à des méprises, à des lenteurs que les corps interprètent toujours mal. Tout cela est évité par la mesure que nous proposons. »

La mesure, nous l’avons dit, fut adoptée ; on viola la Constitution dans la crainte que les candidats du Corps législatif ne possédassent pas assez parfaitement la science de l’étiquette. Voilà où en étaient venus, dans les derniers jours de l’Empire, les ministres de Napoléon et le Sénat ! Disons-le toutefois : au milieu de cet abaissement moral où il avait réduit les pouvoirs et les hommes dont il était entouré, et qui fut une des causes les plus actives de sa chute, Napoléon se maintenait national et grand. Depuis plusieurs années, il tenait en réserve, dans les caves des Tuileries, une partie des contributions de guerre que, dans ses jours de victoires, il avait frappées sur l’ennemi ; on le vit alors consacrer aux dépenses publiques ce trésor dont il ne devait compte à personne. Quelques jours après son retour de Leipsick, il y puisait 30 millions, qu’il versait dans les caisses de la trésorerie nationale[1].

Ce premier secours permit de faire immédiatement de

  1. Les avances faites par Napoléon, sur son trésor particulier, pour les besoins généraux de l’État, dans les derniers mois de 1813 et les trois premiers mois de 1814, s’élevèrent à 244,164,500 francs. C’était la presque totalité du numéraire existant dans cette réserve.