Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
— 1814 —

furent mises en si complète déroute, que l’une d’elles, forte de 6,000 hommes, compta 5,000 morts, blessés ou prisonniers. Tout ce qui ne fut pas pris ou tué s’enfuit en désordre, partie dans la direction de Meaux, partie vers Châlons[1]. Une seconde fois, l’armée de Blücher était coupée en deux. Blücher, de sa personne, se trouvait entre Champaubert et Châlons avec la moitié de ses forces ; le reste, aux ordres des généraux Sacken et York, n’était plus qu’à une petite distance de Meaux et pouvait en apercevoir les clochers ; encore deux marches, et ces corps, qui forçaient de vitesse pour arriver les premiers sous Paris, pouvaient bivaquer au pied de Belleville et de Montmartre.

Avertis par les fuyards de Champaubert, York et Sacken s’arrêtèrent, revinrent en toute hâte sur leurs pas, et, le 11, se trouvèrent, à Montmirail, en face de l’Empereur, qui, lui-même, marchait à leur rencontre. La journée précédente, à vrai dire, avait été moins une bataille qu’un heureux et brillant combat. Cette fois, l’affaire fut sérieuse : 50,000 Russes ou

  1. Le colonel Fabvier, dans le Journal des opérations du 6e corps, plus haut cité, rapporte, sur le combat de Champaubert, les détails suivants :
    « L’ennemi occupait fortement un petit bois. On se disposa à l’enlever. Les Marie-Louise (voir plus haut, page 211), composant le 113e, eurent la tête ; des pelotons de tirailleurs furent placés autour du bois, pour l’attaquer en même temps, soutenus de deux brigades en masse. Avant le signal, le duc de Raguse parcourut les pelotons de tirailleurs en répétant les ordres ; à l’un d’eux il demanda : « Qui commande ici ? y a-t-il un officier ? — Non, lui dit un conscrit qui était un véritable enfant. — Un sous-officier ? — Non, mais nous sommes bons là. » Plus loin, un autre Marie-Louise dit : « Oh ! je tirerais bien mon coup de fusil, seulement je voudrais bien avoir quelqu’un pour le charger. » Avec de pareilles gens on pouvait donner le signal. Tout s’élança en même temps ; le bois fut enlevé.
    Le corps d’Alsufieff, composé de 9,000 grenadiers, fut totalement détruit ; ce général fut pris dans le bois par un chasseur du 16e, conscrit de six mois, qui ne voulut jamais le quitter qu’il ne l’eût conduit à l’Empereur ; il fut fait légionnaire.
    Un enfant de treize ans amena d’une lieue deux grenadiers. Il avait pour arme un grand couteau de boucher qu’il brandissait d’un air tout à fait plaisant. « Ces gaillards-là voulaient broncher, disait-il, mais je les ai bien fait marcher. »