Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
— 1814 —

cœur humain et aux leçons de l’Histoire, qu’il faut attribuer tous les malheurs qu’a éprouvés notre belle France. Ces erreurs devaient et ont effectivement amené le régime des hommes de sang. En effet, qui a proclamé le principe d’insurrection comme un devoir ? qui a adulé le peuple, en le proclamant à une souveraineté qu’il était incapable d’exercer ? qui a détruit la sainteté et le respect des lois ?... »

Ces accusations contre l’idéologie, à propos de nos récentes défaites et de l’approche de l’ennemi, témoignent d’une préoccupation étrange. La France n’avait alors rien à redouter de la métaphysique ni de l’idée révolutionnaire ; le péril, pour Napoléon lui-même, n’était point là : l’équipée royaliste de Troyes le lui fit comprendre. Aussi les menaces du second décret de Fismes s’adressaient-elles exclusivement aux anciens privilégiés, aux émigrés placés par lui dans tous les services publics et à la tête de la plupart des administrations locales. Dans les premiers jours de 1814, à plusieurs semaines même de là, les fonctionnaires de cette catégorie auraient secondé l’effort de la population. Mais au mois de mars, lorsque deux fois déjà les coalisés s’étaient approchés des portes de Paris, ils attendaient et demeuraient incertains ou inertes. Disons, au reste, qu’aux derniers jours de l’Empire, époque d’affaissement ou de défection universelle, l’esprit de nationalité, le sentiment patriotique s’étaient réfugiés dans ce peuple des villes, des campagnes et de l’armée, qui avait tant donné à Napoléon et pour lequel il avait fait si peu. Triste condition des fortunes que l’aveuglement ou l’enthousiasme des nations fait si hautes ! Napoléon, ce génie dont le regard était si perçant, ne voyait plus rien, depuis longtemps, au delà de l’horizon borné que lui faisait son entourage officiel. Il lui fallut les hasards de la campagne de 1814, ainsi que le contact inattendu où elle le mit avec les vignerons de la Champagne et de la Bourgogne, avec les ouvriers des villes de ces deux provinces, pour découvrir toutes les ressources qu’il aurait pu trouver dans le courage et dans le patriotisme inépuisable de ces