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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/275

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— 1814 —

Le comte d’Artois, en pénétrant sur notre territoire, ne voulut cependant pas s’éloigner de la frontière. Il ne quitta Pontarlier que pour se diriger vers la Lorraine par Vesoul, où il entra le 21, à six heures du soir. Son train se composait de deux landaus allemands. Arrêté à la poste aux chevaux, en dehors de la ville, par un poste de troupes alliées, il fut interrogé, au nom du général autrichien commandant les troupes d’occupation dans cette partie des Vosges, sur le motif et le but de son voyage : le prince répondit que le gouvernement anglais lui avait délivré un passe-port pour se rendre à Bâle, « mais qu’absent de France depuis vingt-trois ans et se trouvant à la frontière, il n’avait pu résister au désir de la franchir. » Le général allié, après de longues hésitations, lui permit d’entrer dans Vesoul et de se rendre à l’auberge de la Madeleine.

Quelques anciens émigrés, que le bruit de son arrivée venait de faire accourir à la poste, se disposèrent à l’accompagner, en portant, comme signe de ralliement, une large cocarde blanche fixée au chapeau. Le général autrichien, averti des préparatifs de cette manifestation, refusa de la tolérer, et menaça, si les royalistes persistaient, de dissoudre le cortége du prince par la force. « Les anciennes dynasties ont droit à tous mes respects, sans doute, dit à cette occasion le général autrichien ; mais je ne dois pas oublier que la fille de mon souverain est impératrice des Français. » Le comte dut traverser la ville à pied, comme un simple voyageur. Des troupes russes occupaient Nancy. Espérant que les généraux de cette nation se montreraient plus tolérants ou mieux disposés, le frère de Louis XVIII résolut d’aller se placer sous leur protection, et la leur fit demander. Les Russes répondirent par un refus. Les envoyés du prince revinrent à la charge. Après de longs pourparlers, ils obtinrent enfin pour le prince l’autorisation de se rendre à Nancy, mais à condition qu’il y entrerait seul, sans cocarde, sans décorations ; qu’il ne prendrait aucun titre po-