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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/288

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— 1814 —

saient de s’y succéder, interceptant les communications, arrêtant les voyageurs ou dépouillant les courriers, tantôt au nom de la France, tantôt au nom des Alliés. Il n’était pas jusqu’à l’insurrection des campagnes qui ne vînt ajouter à la difficulté du passage. Ce fut dans ces circonstances que le duc de Dalberg, l’homme le plus avant dans l’intimité de M. de Talleyrand, prononça le nom du baron de Vitrolles.

Ancien soldat de l’armée de Condé, cœur chaud, intelligence prompte, esprit plein de ressources et d’audace, M. de Vitrolles était une de ces natures actives, une de ces organisations énergiques, qui, perdues dans la foule durant le calme, se révèlent au milieu des tourmentes politiques, et deviennent les hommes d’un événement. Le vague sentiment d’une crise prochaine l’avait fait accourir du fond des Alpes à Paris, dans les derniers jours d’octobre 1813. Lié, depuis longues années, avec M. de Dalberg, il trouvait chez lui quelques rares numéros du Times ou du Chronicle, que M. de Pradt, alors dans son archevêché de Matines, recevait par l’entremise d’un employé supérieur de la douane, et qu’il faisait ensuite tenir très-secrètement à M. de Talleyrand et à ses amis ; ces journaux n’arrivaient qu’à grand’peine, et c’était par cette voie détournée, fort peu régulière, que le prince de Bénévent et son entourage parvenaient à connaître les nouvelles du dehors et à saisir quelque chose des mouvements des coalisés. Dans les premiers jours de février, les feuilles anglaises annoncèrent le départ du comte d’Artois pour le continent. À deux ou trois semaines de là, le bruit se répandit dans quelques salons que le prince était arrivé en Suisse. M. de Vitrolles conçut aussitôt le projet d’aller le rejoindre ; il le dit à M. de Dalberg. « Il faudra passer par Châtillon ! » s’écria le duc, qui, dans l’ignorance où il était, ainsi que M. de Talleyrand, de la situation et des faits, croyait que les souverains, absorbés dans le commandement de leurs armées, avaient abandonné aux plénipotentiaires de Châtillon la décision suprême de la