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— 1814 —

Aux nombreuses questions des deux ministres sur la situation politique et morale de la capitale de l’Empire et des provinces où la guerre n’avait pas encore pénétré, M. de Vitrolles, qui ne savait que la pensée du monde où il vivait, répondit que la France, épuisée de sacrifices, lasse de la guerre, aspirait au renversement de Napoléon et à l’établissement d’un gouvernement pacifique. « Cependant partout on nous repousse, répondirent les ministres ; partout on nous traite en ennemis. — C’est que vous vous présentez en ennemis. Les souverains auraient dû faire de la guerre actuelle une question française. S’ils avaient présenté à la France le drapeau blanc et prononcé le nom des Bourbons, Napoléon serait aujourd’hui renversé et la paix signée. » Plusieurs conférences eurent lieu ; la discussion ne sortit pas de ce cercle.

M. de Vitrolles était arrivé en simple curieux ; ces entretiens avaient grandi son rôle. Le temps pourtant s’écoulait ; les ministres de la coalition discutaient sans rien décider. M. de Vitrolles résolut d’entraîner le chef même des coalisés, qui venait d’arriver à Troyes, battant une seconde fois en retraite depuis Provins, avec l’armée de Schwartzenberg. Il sollicita une audience d’Alexandre. Ce souverain, quelques jours auparavant, avait opposé les refus les plus opiniâtres, les plus désobligeants, à des demandes de même nature, faites, au nom du comte d’Artois, par MM. François d’Escars et Jules de Polignac, arrivés de Nancy. Repousser M. de Vitrolles était plus difficile ; il était appuyé dans sa démarche par les deux principaux ministres de la coalition ; l’empereur consentit à l’écouter.

Dans cette entrevue, qui eut lieu le 17 mars, M. de Vitrolles aborda résolûment la question du rétablissement des Bourbons. Alexandre témoigna d’abord la répugnance la plus extrême pour ces princes et pour leur cause. « Ils sont oubliés en France, dit-il ; personne n’y songe, aucune voix ne les appelle. — (On ne connaissait pas encore au quartier général allié la