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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/301

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— 1814 —

de Gaëte et de Rovigo, les comtes Daru, Mollien, et Defermon se trouvaient avec les seconds. Ils étaient huit contre huit. La discussion dut continuer. Joseph, Cambacérès et le duc de Feltre reprirent successivement la parole. Joseph ne conseillait pas le départ, il l’exigeait ; Cambacérès s’exprima dans le même sens avec une véhémence qu’on ne lui connaissait pas ; Clarke s’emporta. Clarke, a-t-on dit, était inspiré par la coalition ; il n’était inspiré que par la peur : Cambacérès et lui, doués du même courage, s’irritaient à la pensée de rester à Paris quand l’ennemi s’avançait ; ils voulaient fuir. L’un et l’autre s’appuyaient exclusivement, ainsi que Joseph, sur les intentions de l’Empereur : elles étaient connues, disaient-ils, et la désobéissance serait criminelle. Puis ils ajoutaient pour dernier argument : « La France est dans l’Impératrice et dans son fils ; les exposer à tomber entre les mains des Alliés, c’est vouloir livrer la patrie à l’ennemi.

— Quitter Paris, répondait M. Boulay (de la Meurthe), ce serait décourager la population et abandonner la partie. Rester, ce serait, au contraire, doubler le dévouement, ainsi que l’énergie de la garde nationale et de l’armée. Qui pourrait dire, ajoutait-il, l’enthousiasme et l’élan qui s’emparerait de tous les cœurs à la vue de l’Impératrice traversant, son fils dans ses bras, les quartiers populeux de la capitale pour aller s’installer à l’Hôtel de Ville, et invoquant sur son passage, à l’exemple de son aïeule Marie-Thérèse, la protection de tous les citoyens ? »

Cette opinion, développée avec énergie par son auteur, appuyée par M. de Talleyrand et par le duc de Cadore, entraîna successivement le duc de Massa, les comtes de Sussy et Regnault de Saint-Jean-d’Angély. La majorité se trouvait dès lors opposée au départ. Le conseil allait donc décider que Marie-Louise et son fils ne quitteraient point Paris, lorsque Joseph, à bout d’arguments, exhiba une lettre dans laquelle l’Empereur s’exprimait en ces termes :