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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/346

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— 1814 —

nirait l’immense majorité des suffrages. « Et les Bourbons ? demanda M. de Nesselrode, dominé par le souvenir de ses entretiens avec M. de Vitrolles. — On n’y pense que dans quelques salons de l’ancienne noblesse, » répondit le comte. Il ajouta que, dans le cas où les souverains désireraient des renseignements plus étendus, personne n’était plus à même de les leur fournir que M. de Talleyrand, tant à cause de sa grande expérience des affaires que par suite de ses rapports avec un grand nombre d’hommes politiques de toutes les opinions qui se réunissaient habituellement chez lui. « Mais est-il encore à Paris ? demanda M. de Nesselrode. — Il a dû recevoir l’ordre d’accompagner l’Impératrice à Blois, répondit M. de Laborde ; je crois pourtant qu’hier soir il n’était pas encore parti. — Retournez immédiatement à Paris, reprit le ministre d’Alexandre ; si vous y trouvez le prince, faites qu’il ne parte pas, dites-lui d’attendre, et, s’il le faut, employez la force pour le retenir. » Le comte de Dunow, aide de camp du prince Wolkonski, fut chargé d’accompagner M. de Laborde, afin qu’on ne l’arrêtât pas aux avant-postes, et tous deux partirent suivis d’un seul Cosaque, le premier qui entra dans Paris. Arrivés près de la barrière, ils croisèrent le duc de Vicence, qui, le visage pâle et fatigué, se rendait auprès d’Alexandre. Ces messieurs se saluèrent sans se parler. Caulaincourt allait tenter de nouveaux efforts en faveur de la cause impériale ; M. de Laborde, sans qu’il s’en doutât lui-même, allait préparer la chute de l’Empire.

La députation municipale, restée à Bondy, fut introduite à six heures et demie dans le salon où se trouvait Alexandre ; elle réclama sa protection pour Paris. Le Tzar la promit dans les termes les plus bienveillants. Il parla de la guerre : « Ce n’est point moi qui l’ai provoquée, dit-il aux députés ; Napoléon a envahi mes États sans motifs, et c’est par un juste arrêt de la Providence que je me trouve, à mon tour, sous les murs de sa capitale. » L’accent de sa voix, d’abord doux et caressant,