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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/36

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— 1793 - 1799 —

« Des cinq Directeurs, Barras est celui qui a le plus de prépondérance et d’énergie. Au milieu de quatre avocats, c’est un gentilhomme et, quoi qu’on en dise, attaché à des sentiments monarchiques, parce que, en sa qualité de gentilhomme, il les a sucés avec le lait de son enfance.

Sire, Barras est l’homme le plus commode à récompenser ; il ne veut imiter Monck que par l’action qu’il fit, il n’en veut pas les récompenses. La raison lui dit qu’il serait une monstruosité dans votre cour ; il ne songe donc à y conserver ni place, ni crédit, ni honneurs ; il veut seulement sûreté et indemnité.

Un des plus grands avantages du plan de Barras, Sire, c’est que, s’il veut en finir avec la République, il veut que vous en finissiez avec la Révolution. Il ne passera pas, comme le feraient l’avocat Merlin, le théophilanthrope Laréveillère, l’atrabilaire Rewbell et le diplomate Treilhard[1], tout un hiver à vous faire cinq cents pages de constitution ; il veut que vous soyez ici sans préambule et sans restriction. »

Ce langage, il ne faut pas l’oublier, était celui d’un homme de progrès ; il donne la mesure de l’aveuglement où devaient rester plongés les stationnaires de l’émigration.

La négociation fut assez vivement conduite : Barras, au mois de juillet, recevait des lettres patentes signées du roi, contre-signées par M. de Saint-Priest, ministre des affaires étrangères, scellées du grand sceau, et dans lesquelles il était dit :

« Que le général Paul de Barras, voulant rétablir la monarchie dans la personne de Louis XVIII, S. M. se chargeait de lui donner sûreté et indemnité : sûreté, en engageant sa parole sacrée de s’interposer entre Paul de Barras et tout tribunal quelconque qui voudrait connaître de ses opinions et de ses votes, et d’annuler, par son pouvoir souverain, toute recherche à cet égard ; indemnité, en lui promettant une somme équivalente à deux années de ses bénéfices dans les fonctions de Directeur, c’est-à-dire douze millions de livres

  1. Tous quatre Directeurs, et remplacés, à quelques mois de là, par Sieyès, Roger-Ducos, Gohier et le général Moulin. Cette lettre est des premiers mois de 1799.