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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/360

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— 1814 —

sent le mieux la France et l’état de l’opinion. » Il en appela au témoignage de MM. de Pradt et Louis, qui se tenaient dans une pièce voisine, et offrit de les aller chercher ; le Tzar consentit à les entendre. « M. de Talleyrand nous introduisit dans la pièce où se tenait le Conseil, a raconté l’archevêque de Malines. On se trouva rangé de manière que, du côté droit, le roi de Prusse et le prince de Schwartzenberg fussent les plus rapprochés du meuble d’ornement qui est au milieu de l’appartement : M. le duc de Dalberg était à la droite du prince de Schwartzenberg ; MM. de Nesselrode, Pozzo di Borgo et le prince de Lichtenstein suivaient. M. le prince de Talleyrand était placé à la gauche du roi de Prusse ; M. le baron Louis et moi étions près de lui ; l’empereur Alexandre faisait face à l’assemblée, allait et venait[1]. » Quelques mots de M. de Talleyrand avaient rapidement appris aux nouveaux venus le service qu’il en attendait ; interrogés par Alexandre : « Nous sommes tous royalistes ! toute la France est royaliste ! s’écria le fougueux archevêque de Malines. — Oui, toute la France est royaliste ! répéta M. Louis avec non moins de véhémence. Elle repousse Bonaparte, elle n’en veut plus ; cet homme n’est plus qu’un cadavre, seulement il ne pue pas encore. »

Alexandre ignorait la France : il n’en connaissait ni les hommes ni les choses. Vivent les Alliés ! vivent les Bourbons ! à bas le tyran ! étaient les seuls cris poussés distinctement autour de lui durant la journée. Il avait, en outre, parcouru toute la ligne des boulevards, précédé d’étendards de couleur blanche, et avait marché, pour ainsi dire, entre deux haies de mouchoirs blancs. Les affirmations effrontées des deux abbés ne furent donc pour lui que la confirmation du vœu déjà manifesté sur son passage[2] Plus de doute : l’opinion publique, ainsi que le

  1. Récit historique de l’abbé de Pradt, p. 68.
  2. Deux prêtres et un moine apostats avaient joué le rôle le plus influent dans l’avénement de Napoléon au gouvernement de la République, lors des journées de Brumaire, l’ex-abbé Sieyès, Directeur, l’ex-évêque Talleyrand, ministre des affaires étrangères peu de jours auparavant, et l’ex-oratorien