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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/362

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— 1814 —

Talleyrand fit observer que les résolutions que venaient d’adopter les souverains seraient sans résultat sérieux si la réunion ne devait pas dépasser la portée d’une simple conversation politique ; il proposa d’en dresser une sorte de procès-verbal qui servirait de base et de guide à la marche ultérieure des puissances coalisées. On y consentit ; le prince tint la plume ; mais, au lieu d’un simple procès-verbal, ce fut un manifeste qu’il rédigea. Arrivé à ces mots : Ils ne traiteront plus (les souverains) avec Napoléon Bonaparte, il s’arrêta et fit remarquer au Conseil que cette exclusion n’atteignait pas la famille de l’Empereur, dont les droits demeuraient ainsi dans leur intégrité. Un silence profond se fit dans toute la salle, pas une voix ne répondit à cette observation ; les regards du prince de Bénévent interrogèrent Alexandre, alors arrêté debout devant lui ; ce dernier jeta les yeux, à son tour, sur le roi de Prusse et sur le prince de Schwartzenberg ; ni l’un ni l’autre ne sortirent de leur immobilité. « Eh bien, s’écria Alexandre en se remettant à marcher avec vivacité, ajoutez : ni avec aucun membre de sa famille ! » Le reste devenait de pure forme. La rédaction achevée, M. de Nesselrode en fit une copie. M. de Talleyrand venait de s’avancer trop loin pour ne pas vouloir engager les souverains de telle manière, qu’ils ne pussent reculer en deçà des limites que lui-même avait franchies. Il demanda l’impression et la publication immédiate de la déclaration. Alexandre hésita : « C’était aller bien vite, » disait-il. Mais, étourdi par le succès inespéré de la veille, enivré par sa marche triomphale sur les boulevards et par les acclamations dont quelques bouches indignes l’avalent salué ; convaincu que cette déclaration satisfaisait au vœu de la France, il se laissa entraîner et céda. Une copie fut remise à un des frères Michaud, imprimeurs, qui, depuis le commencement de la conférence, attendait dans un cabinet voisin ; et, une heure après, la pièce suivante était amenée sur tous les murs de Paris :