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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/364

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— 1814 —

invitée à se donner allait être délibérée par lui seul, au milieu et sous la protection des baïonnettes étrangères ! Considérée dans son ensemble, l’œuvre du prince de Bénévent ne manquait cependant pas d’habileté : sa forme embarrassée et ses phrases incertaines ménageaient toutes les opinions, laissaient le champ libre aux espérances de tous les partis ; elle ne fermait l’avenir qu’à la dynastie impériale. Ce vague ne pouvait satisfaire les quelques royalistes qui avaient déjà arboré la cocarde blanche. En quittant les abords de l’hôtel Talleyrand, après le défilé de l’armée alliée, ils étaient convenus de se retrouver, le soir, rue du Faubourg-Saint-Honoré, n° 45, chez M. de Mortfontaine. La déclaration des souverains venait d’être affichée lorsque sonna l’heure fixée pour la réunion. Les royalistes y arrivèrent décidés à faire triompher plus complétement la bonne cause. 25 à 30 seulement s’étaient montrés dans les rues ; ils se trouvèrent, chez M. de Mortfontaine, au nombre de plusieurs centaines.

Le maître de la maison présidait l’assemblée. Ce fut vainement qu’il essaya d’établir un peu d’ordre dans la délibération ; le débat, dès les premiers mots, avait dégénéré en un épouvantable vacarme : tout le monde criait à la fois ; c’était à qui parlerait le plus fort et le plus haut de ses services, de ses droits, de l’époque de son émigration ; bon nombre se vantaient de n’avoir servi l’ursupateur que pour mieux le trahir. Aux cris tumultueux, aux motions folles, violentes, qui se croisaient de tous côtés, on eût difficilement pensé qu’un but commun réunissait les assistants. Las de s’efforcer de parler sans pouvoir se faire entendre, un des membres les plus ardents, M. Sosthènes de la Rochefoucauld, sauta sur une table, et, d’une voix retentissante, s’écria que l’assemblée, au lieu de perdre un temps précieux, devrait envoyer une députation à l’empereur Alexandre. La proposition fut accueillie, et son auteur, accompagné par MM. Ferrand et César de Choiseul, désignés par la réunion, se mit en chemin