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— 1814 —

pour l’hôtel de M. de Talleyrand, résidence d’Alexandre. M. de Chateaubriand, qu’ils rencontrèrent à la porte de la salle, fut prié de les accompagner, et consentit à les suivre. Arrivés devant M. de Nesselrode, qui les reçut à la place du Tzar, déjà retiré pour prendre du repos, M. de Chateaubriand refusa de porter la parole, et M. Ferrand ne put prononcer un seul mot. Ce fut M. Sosthènes qui se fit l’organe de ses amis politiques.

« Je viens de quitter l’Empereur, répondit M. de Nesselrode, et je me fais garant de ses intentions. Retournez vers vos amis et annoncez à tous les Français que S. M. I., touchée des cris qu’elle a entendus et des vœux qui lui ont été si vivement exprimés aujourd’hui, va rendre la couronne à celui à qui elle appartient. Louis XVIII remontera sur le trône de France. »

La députation retourna chez M. de Mortfontaine. De bruyantes acclamations y accueillirent la réponse de M. de Nesselrode. Le tumulte alors devint effroyable : tous voulaient se faire écouter. Le président ne savait comment lever la séance, lorsque M. Talon, éteignant les lumières, força tout le monde de quitter la salle.

Un des cavaliers qui avaient promené le matin leurs cocardes blanches sur les boulevards, ancien officier vendéen, homme intelligent et énergique, le marquis de la Grange, opérait, pendant ce tumulte, quelques changements qui devaient servir la cause royaliste bien plus activement que les cris et les démarches de M. Sosthènes et de ses amis. M. de la Grange connaissait la langue allemande : cette circonstance le mit en contact dans la journée avec plusieurs officiers généraux de l’armée alliée ; ses sympathies politiques et son nom resserrèrent ces rapports. Il en profita pour obtenir du général Sacken, créé le matin gouverneur militaire de Paris, un ordre qui plaçait tous les journaux sous la police d’un royaliste assez obscur, mais dévoué, nommé Morin. Après avoir installé