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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/366

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— 1814 —

Morin à la préfecture, en sa qualité nouvelle, M. de la Grange se transporta dans tous les bureaux de journaux et y plaça des rédacteurs, qui s’y établirent soit en qualité d’anciens propriétaires dépossédés, comme aux Débats, soit en qualité de censeurs. Tous reçurent pour mot d’ordre d’annoncer que la cocarde blanche avait été arborée par la population de Paris, et que les armées alliées avaient été accueillies aux cris mille fois répétés de Vive le roi ! vivent les Bourbons ! Cette prise de possession de tous les instruments de la publicité politique fut accomplie dans la nuit. La métamorphose fut aussi soudaine que complète. Le 30 mars, toutes les nouvelles étaient rédigées dans le sens impérial[1] ; chaque ligne respirait le plus entier dévouement à l’Empire et à l’Empereur : le 1er avril, ces mêmes journaux maudissaient l’Empire, donnaient à l’Empereur les noms les plus odieux, vantaient les bienfaits de l’invasion, appelaient de toutes leurs forces l’arrivée des princes de la maison de Bourbon, et reproduisaient de longs fragments empruntés à une brochure publiée, la veille au soir, par M. de Chateaubriand, sous le titre De Bonaparte et des Bourbons, et dans laquelle il accusait Napoléon d’avoir frappé le pape et de l’avoir traîné par ses cheveux blancs ; d’avoir empoisonné ou fait étrangler des prisonniers de guerre et des détenus politiques ; d’avoir plus corrompu les hommes et fait plus de mal au genre humain, en dix années, que tous les tyrans de Rome ensemble, depuis Néron jusqu’au dernier persécuteur des chrétiens ; d’avoir dévoré, dans le même espace de temps, 15 milliards d’impôts, plus de 5 millions d’hommes, gagné 4 millions de fr. sur les soupes distribuées aux pauvres pendant la disette de 1812, spéculé sur les enterrements et mis un impôt sur les morts ; où, lui donnant les noms de fou furieux, de scélérat vulgaire et d’histrion, il lui reprochait

  1. Quelques journaux (les Débats entre autres) ne parurent pas le 31 mars ; ceux qui furent publiés ne contenaient que des nouvelles de théâtre et des articles de littérature.