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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/367

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— 1814 —

d’être un homme de peu, un enfant de petite famille, qui, s’il eût encore régné quelques années, eût fait de la France une caverne de brigands. Ce pamphlet, que la passion politique ne saurait excuser, car, écrit en pleine invasion, il déversait, au profit des envahisseurs, la haine et l’insulte sur l’homme en qui se personnifiait, à ce moment, l’indépendance française ; ce pamphlet, disons-nous, eut un immense retentissement. La célébrité littéraire de l’auteur, la violence même des accusations, aidèrent au succès. Sa publication, en ralliant autour d’un mot d’ordre et d’une formule politique les adhérents encore épars et cachés de l’ancienne royauté, fit naître, pour ainsi dire, le parti royaliste ; elle valut un autre bénéfice aux Bourbons : le 31 mars, leur nom était ignoré ou oublié de la généralité des habitants de Paris ; le 1er avril, ce nom, s’il causait une profonde surprise, intervenait, du moins, dans toutes les conversations, et les prétentions, sinon les droits de cette famille au trône de France, devenaient un fait public et incontesté[1].

  1. Dans les jours qui suivirent, les journaux ne se bornaient pas à donner à Napoléon les noms de tyran, d’usurpateur, de Robespierre à cheval ; ils exaltaient les vertus des souverains alliés et rapportaient avec attendrissement une foule de mots vrais on supposés, prononcés par Alexandre, et dont on pourra juger le mérite par la citation suivante :
    « Sa Majesté (Alexandre) passa devant la colonne de la place Vendôme en regardant la statue, elle dit aux seigneurs qui l’entouraient : Si j’étais placé si haut, je craindrais d’en être étourdi. Ce mot si philosophique est digne d’un Mare-Aurèle. » (Journal des Débats et Journal de Paris.)
    On lisait, à quelques jours de là, dans ce même Journal de Paris :
    « Il est bon de savoir que Bonaparte ne s’appelait pas Napoléon, mais Nicolas ; ni Bonaparte, mais Buonaparte ; il avait retranché l’u pour se rattacher à une illustre famille de ce nom. »
    « — Plusieurs personnes se sont amusées à faire différentes anagrammes du nom de Buonaparte, en ôtant l’u de ce nom ; celle qui nous paraît le mieux peindre le personnage est celle-ci : Nabot paré. »
    TESTAMENT DE BUONAPARTE.

    Je lègue aux enfers mon génie.
    Mes exploits aux aventuriers,
    À mes partisans l’infamie,
    Le grand-livre à mes créanciers ;
    Aux français l’horreur de mes crimes,
    Mon exemple à tous les tyrans,
    La France à ses rois légitimes,
    Et l’hôpital à mes parents.