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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/393

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— 1814 —

toute discussion sérieuse. « Il est bien tard ! » s’écria Alexandre, lorsqu’ils se revirent le 1er avril. — Ce mot n’impliquait pas un parti pris irrévocable. Le duc de Vicence, encouragé, développa toutes les ressources, toutes les chances qui restaient à Napoléon ; sa chaleur, ses instances, entraînèrent Alexandre ; le 2, au soir, quand le Sénat avait déjà rendu son décret de déchéance, le duc fut congédié avec ces paroles : « Que Napoléon abdique, et l’on s’entendra peut-être pour la régence. »

Ce fut dans la nuit du 2 au 3 que le duc de Vicence vint rendre compte à l’Empereur de sa mission. Il lui conseilla de céder : les moments pressaient, disait-il ; le rappel des Bourbons n’avait pas encore été officiellement proclamé, mais leur nom se prononçait partout ; des adresses nombreuses sollicitaient leur retour ; la cocarde blanche était publiquement arborée. Napoléon entendait ces conseils, ces détails, sans répondre ; quelles que fussent les instances de son ministre, il gardait le silence ; enfin, le jour venu, il sortit pour inspecter divers cantonnements. Plusieurs régiments de la garde, quand il rentra, étaient en bataille dans la grande cour du château. Sa vue excita les transports des officiers et des soldats. Le cercle, sur son ordre, fut immédiatement formé, et, poussant son cheval au centre, il dit d’une voix forte :

« Soldats ! l’ennemi nous a dérobé trois marches et s’est rendu maître de Paris. Il faut l’en chasser ! D’indignes Français, des émigrés auxquels nous avons pardonné, ont arboré la cocarde blanche et se sont joints aux ennemis. Les lâches ! ils recevront le prix de ce nouvel attentat ! Jurons de vaincre ou de mourir ! Jurons de faire respecter cette cocarde tricolore qui, depuis vingt ans, nous trouve sur le chemin de la gloire et de l’honneur ! »

Les cris Nous le jurons ! vive l’Empereur ! Paris ! Paris ! sortirent aussitôt de toutes les bouches. Napoléon était déjà rentré dans son cabinet, que les acclamations duraient encore.