Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/409

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
404
— 1814 —

les souverains dussent jamais abandonner une résolution aussi solennellement proclamée. »

Le général Dessolles avait mis dans ces dernières paroles une vivacité qui blessa le Tzar[1]. Alexandre répondit avec une certaine hauteur que la loyauté de ses alliés et la sienne étaient au-dessus de tous les soupçons ; que, quels que fussent les événements, nul n’aurait à se plaindre de s’y être confié. « Mais, ajouta-t-il, toutes les considérations de personnes doivent céder devant la nécessité politique ; l’intérêt des Bourbons, famille oubliée de la France, et que l’Europe ne connaît plus, ne peut entrer en balance avec l’intérêt de tous les souverains, de tous les peuples. » Puis, s’adressant aux plénipotentiaires, il leur dit qu’il n’était point seul, qu’il consulterait le roi de Prusse, et que, dans quelques heures, il leur ferait connaître sa réponse.

L’entrevue officielle était terminée. Une sorte de causerie intime succéda. Alexandre se montra cordial avec Caulaincourt, bienveillant avec les deux maréchaux. Les trois plénipotentiaires regardaient leur cause comme gagnée. L’attitude du général Dessolles prouvait que lui-même partageait cette conviction. Tout à coup la porte du cabinet s’ouvre, un aide de camp s’avance une dépêche à la main, et prononce, en langue russe, quelques mots qui font pâlir Caulaincourt.

« Messieurs, dit Alexandre aux plénipotentiaires après avoir lu rapidement la dépêche, je résistais avec peine à vos instances ; il m’en aurait coûté de repousser le vœu de l’armée française, surtout lorsqu’il était présenté par des hommes tels que vous. Mais cette armée n’est pas unanime ; une partie ne veut plus de Napoléon ; le corps tout entier du duc de Raguse, entre autres, abandonne la cause impériale et passe de notre côté ; au moment où je parle, il traverse les lignes de mes soldats.

— C’est impossible ! s’écrièrent les deux maréchaux.

  1. Le général, assure-t-on, laissa échapper quelques jurons.