Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
405
— 1814 —

— Lisez, messieurs, » répliqua Alexandre en leur présentant le papier qu’il tenait à la main.

Le prince de Schwartzenberg, dans cette dépêche, annonçait que tous les régiments composant le corps de Marmont venaient d’abandonner leurs positions et se retiraient sur Versailles. Les maréchaux étaient atterrés.

« Vous comprenez, messieurs, dit alors Alexandre, que ce fait change complétement la situation. L’abdication conditionnelle ne suffit plus ; Napoléon doit se résigner à une abdication absolue. »

Les plénipotentiaires quittèrent Alexandre. Bien que la nuit fut assez avancée, la foule n’avait pas diminué dans les salons de M. de Talleyrand ; l’anxiété y était toujours aussi vive. À la vue des deux maréchaux, sortant du cabinet du Tzar, on s’empressa autour d’eux ; chacun voulut les interroger. Le général Beurnonville, entre autres, s’approcha de Macdonald. « Ne me parlez pas, monsieur, s’écria ce dernier en reculant d’un pas ; je n’ai rien à vous dire ; vous m’avez fait oublier une amitié de trente ans ! » Puis, s’adressant au général Dupont, le capitulé de Baylen, que le gouvernement provisoire avait nommé commissaire au département de la guerre, et qui s’était également avancé vers lui, le maréchal ajouta : « Quant à vous, monsieur, votre conduite envers l’Empereur n’est pas généreuse ; peut-être vous a-t-il traité avec sévérité ; mais depuis quand venge-t-on son injure personnelle aux dépens de son pays ? »

La voix du maréchal était haute, son attitude indignée ; la vue de tous les lâches, de tous les traîtres qui, pâles de peur, se pressaient autour de lui, révoltait sa loyauté. M. de Talleyrand, craignant un éclat, s’approcha du groupe qui environnait le maréchal : « Messieurs, dit-il, songez que vous êtes ici chez l’empereur de Russie. Si vous voulez disputer... discuter, ajouta-t-il en se reprenant, descendez chez moi ! — Disputer ! qu’est-ce à dire ? répliqua le maréchal en laissant