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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/415

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— 1814 —

science troublée vit dans la mission du colonel et dans l’ordre qui appelait, le soir même, Marmont à Fontainebleau, l’indice d’un danger qui devait probablement les atteindre. Plus de doute : l’Empereur soupçonnait la négociation, s’il ne la connaissait pas. La crainte de châtiments mérités les agitait déjà, quand vint une dépêche du maréchal Berthier, qui reproduisait l’invitation faite au duc de Raguse de se rendre au quartier impérial. Il était d’usage, lorsque l’Empereur chargeait un officier d’un ordre verbal pour un chef de corps, de transmettre cet ordre en double et par écrit, par la voie hiérarchique de l’état-major général. Le fait de cette dépêche n’avait donc rien que de naturel. Mais, dominés par le sentiment de leur faute et du péril auquel elle les exposait, Souham et les autres généraux perdirent tout sang-froid ; le simple envoi de cette ampliation prit à leurs yeux un caractère d’insistance qui porta leur terreur au comble ; tous virent la mort pour le lendemain ; ils résolurent de se mettre en sûreté.

En 1814, le souper était encore dans les habitudes de la vie. Souham se chargea de réunir à sa table les officiers supérieurs de tous les corps d’infanterie, Bordesoulle ceux de la cavalerie. Ces officiers se rendirent à l’invitation ; ils ignoraient la négociation avec Schwartzenberg, ainsi que l’abdication de l’Empereur : l’ordre du jour qui transférait le quartier général impérial au delà de Ponthierry leur était seul connu. Pas un d’eux ne fut donc surpris lorsque le général, dont ils étaient les convives, leur annonça que, dans la nuit même, toute l’armée impériale se mettrait en marche sur Paris. Des transports de joie éclatèrent à cette nouvelle. Enfin, on allait se battre ! Le repas se prolongea au milieu des plus patriotiques effusions et de toasts nombreux portés à l’Empereur et à son triomphe infaillible. Vers minuit, quelques colonels voulurent se retirer pour prendre un peu de repos. On les retint. L’Empereur, leur dit-on, devait arriver à Essonne avec le gros de l’armée, dès la pointe du jour ; le 6e corps, désigné pour for-