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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/417

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— 1814 —

Cependant les troupes continuaient leur mouvement. La route, contre leur attente, était sans obstacles : les régiments d’avant-garde avançaient sans avoir à répondre au moindre Qui vive ! Seulement, un bruit étrange qui leur venait de chaque côté du chemin, et dont l’obscurité les empêchait de se rendre compte, tenait leur attention en éveil. Enfin, à la hauteur de Petit-Bourg l’aube du jour parut. Nos soldats regardèrent autour d’eux ; d’abord ils se crurent dupes d’une illusion ; bientôt un sentiment de vague inquiétude ralentit leur marche ; au bout de quelques instants, ils s’arrêtèrent frappés de stupeur ! Les deux côtés de la route étaient bordés par plusieurs lignes de troupes rangées en bataille ; ces troupes, c’était l’ennemi ; le 6e corps se trouvait au milieu de l’armée russe ! Pour comble de honte, les Alliés rendaient les honneurs militaires à nos régiments ; leurs fantassins portaient les armes, leurs cavaliers avaient le sabre haut, des fanfares éclataient sur toute cette double ligne. Le 39e dragons occupait la tête de la division Bordesoulle ; un général commanda de rendre le salut et d’avancer. « Si mes dragons tirent le sabre, s’écria le colonel Ordener, ce sera pour charger ! » Le général n’insista pas. Rétrograder était impossible. Ces braves gens, si ardents, si fiers quelques minutes auparavant, se remirent en marche, la rage au cœur. Arrivés à la Belle-Épine, point d’intersection du pavé de Choisy-le-Roi, on leur fit quitter la route de Paris et prendre le chemin de Versailles. Les généraux alliés, nous n’avons sans doute pas besoin de le dire, avaient été prévenus de cette marche, par les meneurs du 6e corps, dès les premières heures de la nuit.

Si l’aube du jour n’était venue pour l’avant-garde qu’après une heure et demie de marche, elle arriva assez à temps pour empêcher l’arrière-garde de s’engager trop loin. Cette arrière-garde, formée par le corps de partisans que commandait le général Chastel, et dont faisait partie un certain nombre de