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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/420

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— 1814 —

nebleau. La direction des troupes fut déférée à Ordener, qui prit aussitôt le commandement. Peu d’instants après, tous les régiments, infanterie, cavalerie et artillerie, quittaient Versailles aux cris répétés de Vive l’Empereur !

Cette révolte était de nature à tout remettre en question ; elle pouvait décider la reprise des hostilités et imprimer aux efforts des troupes impériales indignées, furieuses, une énergie dont il était impossible de calculer les suites. Marmont, que la nouvelle des événements d’Essonne avait d’abord atterré, fut immédiatement entouré par les membres du gouvernement provisoire, qui le supplièrent d’intervenir ; il céda à ces instances. Jusque-là, ses généraux étaient allés plus loin que lui-même dans la défection : il eut le triste courage de sacrifier jusqu’au bénéfice de cette position en consentant à arrêter la marche de son corps et à prendre ainsi l’entière responsabilité hiérarchique et morale du mouvement. Se jetant aussitôt dans une voiture, il courut à Versailles, qu’il traversa sans s’arrêter, atteignit ses régiments à deux lieues au delà de cette ville, au hameau de Trappes, et, allant droit au colonel Ordener, le menaça de le faire arrêter, puis traduire devant un conseil de guerre pour usurpation de commandement[1]. « Je vous en défie ! » s’écria Ordener, qui se laissa alors emporter aux paroles les plus violentes. Cette résistance déconcerta Marmont, qui, invoquant alors son droit de commandement, et s’adressant aux officiers et aux soldats qui l’entouraient, leur rappela ses services, ses blessures, et leur demanda si c’était un maréchal dévoué comme lui que l’on pouvait soupçonner de vouloir trahir les intérêts de l’armée. « Le 6e corps n’a quitté Essonne, dit-il en terminant, que pour

  1. En consultant l’Annuaire militaire de 1843, on trouve que le colonel, qui, dans les circonstances que nous venons de rapporter, dut au suffrage de ses collègues le commandement momentané du 6e corps de l’armée impériale, est simple maréchal de camp commandant la subdivision militaire de Maine-et-Loire. En trente ans, le colonel de l’ex-30e dragons a avancé d’un grade. (Note imprimée en 1843, date de la première publication de ce volume.)