Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/421

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
416
— 1814 —

hâter la paix ; elle va se conclure, croyez-en la parole de votre général. Obéissez-lui, et tout sera oublié. » Les soldats, entraînés, se replacèrent sous l’autorité du maréchal, qui ne les quitta qu’après leur avoir fait abandonner le chemin de Rambouillet et prendre la route de Normandie.

Son retour était vivement attendu. L’alarme était revenue parmi les Sénateurs et les membres du gouvernement provisoire ; les souverains eux-mêmes montraient de l’inquiétude. Enfin le duc de Raguse parut. Voici en quels termes un personnage déjà cité, et témoin oculaire, raconte l’ovation qui accueillit le maréchal à son arrivée dans les salons de M. de Talleyrand : « Quinze ans sont passés, et il me semble encore assister à cette scène : tout le monde avait fini de dîner ; il se mit seul à table devant un petit guéridon placé exprès au milieu de la salle et sur lequel on le servit. Chacun de nous allait causer avec lui et le complimenter. Il fut le héros de cette journée[1]. » Déplorable triomphe qui a fait maudire le nom de ce maréchal par tout un peuple, et qui laissera sur sa mémoire une tache éternelle !

La défection du 6e corps, dans la nuit du 4 au 5 avril, ne fit point la chute de Napoléon ; la prise de Paris et l’abdication avaient déjà brisé le sceptre entre les mains de ce souverain. L’établissement impérial, toutefois, restait encore debout ; et ce fut le duc de Raguse qui porta le coup de mort à cette cause, en apaisant, au profit du gouvernement provisoire, la patriotique révolte de ses soldats. En d’autres termes, Napoléon avait cessé d’être Empereur le 4 avril au matin ; le 5, au soir, l’Empire, laissé en suspens pendant quelques heures, tombait à son tour, et faisait place à la Restauration. En effet, ce fut seulement à la fin de cette dernière journée, après le retour de Marmont, que les partisans improvisés des Bourbons osèrent faire décider officiellement le rappel de ces princes.

  1. Bourrienne. Mémoires, t. X, p. 109.