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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/422

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— 1814 —

Avant de dire comment cet événement s’accomplit, nous suivrons l’Empereur jusqu’à son embarquement pour l’île d’Elbe. Les quinze jours que Napoléon passa encore à Fontainebleau, longue et solitaire agonie concentrée dans les murs de ce palais, et dont les angoisses furent alors ignorées de Paris comme du reste de la France, présentent un enseignement politique trop sérieux pour ne pas être racontés.

L’Empereur venait de recevoir de Paris une copie du traité convenu entre Marmont et le prince de Schwartzenberg, lorsque des officiers, expédiés par le général Chastel, lui annoncèrent la défection du 6e corps. Il voulut d’abord douter. Quand la conviction fut enfin entrée dans son esprit, sa parole s’arrêta, son regard devint fixe, et il ne rompit le silence que pour laisser échapper ces mots sur Marmont, que l’on accusait d’avoir ordonné le départ des troupes : « L’ingrat ! il sera plus malheureux que moi ! » On dut le laisser seul. Quelques heures après, l’ordre suivant était lu à la tête de tous les régiments de l’armée :


ORDRE DU JOUR.

à l'armée.
« Fontainebleau, le 5 avril 1814.

L’Empereur remercie l’armée pour l’attachement qu’elle lui témoigne, et principalement parce qu’elle reconnait que la France est en lui et non pas dans le peuple de la capitale. Le soldat suit la fortune et l’infortune de son général, son honneur est sa religion. Le duc de Raguse n’a point inspiré ce sentiment à ses compagnons d’armes ; il a passé aux Alliés. L’Empereur ne peut approuver la condition sous laquelle il a fait cette démarche ; il ne peut accepter la vie et la liberté de la merci d’un sujet.

Le Sénat s’est permis de disposer du gouvernement français ; il a oublié qu’il doit à l’Empereur le pouvoir dont il abuse maintenant ; que c’est l’Empereur qui a sauvé une partie de ses membres des orages de la Révolution ; tiré de l’obscurité et protégé l’autre contre la haine de la nation.