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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/425

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— 1814 —

ter la Catalogne avec Suchet, et 40,000, commandés par le maréchal Soult, disputaient à Wellington l’entrée des provinces du Midi. Ces troupes réunies présentaient une force de plus de 140,000 combattants, avec lesquels l’Empereur pouvait soutenir longtemps la guerre contre un ennemi lent, inquiet et susceptible d’être désuni. Ces considérations, Napoléon les opposait à la demande d’une abdication sans conditions. Durant deux jours, il résista à toutes les instances de ses plénipotentiaires. Un instant, sa pensée s’arrêta sur une retraite générale derrière la Loire. Une longue acclamation d’épouvante accueillit ce projet ; c’était, disait-on, vouloir armer la moitié de la France contre l’autre, et s’exposer à une guerre d’aventures qui, portant le ravage partout, ne pourrait finir nulle part. « Eh bien, s’il faut renoncer à défendre la France, s’écria Napoléon, l’Italie ne nous offre-t-elle pas une retraite encore digne de nous ? Veut-on m’y suivre encore une fois ? Marchons vers les Alpes ! » Ce cri, écho lointain de cette voix du génie qui avait inspiré ses premiers commandements, ne fut ni entendu ni compris. Loin de là, il servit de texte aux plus étranges commentaires. Les fautes de Napoléon étaient des fautes politiques ; les fautes militaires appartenaient à ses lieutenants ; celles-ci lui furent toutes attribuées ; on se mit à douter de la supériorité de son intelligence ; quelques-uns même osèrent accuser sa raison. Des récriminations, des murmures, éclatèrent. Ney s’emporta. Triste condition de la grandeur ! Il aurait suffi à Napoléon de quitter ses appartements impériaux, de sortir de son palais, puis de marcher, pour se voir aussitôt suivi par toute une armée enthousiaste, intrépide ; mais, confiné dans son cabinet, cerné, pour ainsi dire, par son entourage, il n’eut pas la force de secouer le joug de ses grands officiers, de se soustraire au fastueux isolement où le tenait son titre. Il consumait son temps et ses forces à lutter contre la lassitude de son haut état-major ; au lieu d’agir, il cherchait à convaincre, il discutait. À ce moment, le rôle