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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/426

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— 1814 —

d’Empereur, qu’il s’efforçait de prolonger, semblait anéantir chez lui les facultés du général et du soldat. Son génie, comme l’ont affirmé ses ennemis, avait-il donc besoin, pour se révéler, de la double influence du succès et de la force ? La fortune était-elle une des conditions de son audace, et, disciple du fatalisme oriental, ne savait-il que baisser la tête quand le sort venait à le frapper ? Les gens qui lui sont restés le plus dévoués et qui l’ont approché le plus près expliquent l’indécision et la faiblesse qu’il montra à cette époque de revers, comme après la bataille de Waterloo, par une prostration morale et physique, résultat de longs jours sans repos, de nombreuses nuits sans sommeil et de la prodigieuse contention d’esprit à laquelle l’avaient obligé ses efforts des derniers mois. Même pour les hommes les plus admirablement doués, les forces humaines ont leurs limites.

Sa résistance à la fin fut vaincue. « Vous voulez du repos, dit-il à ses généraux, ayez-en donc ! Hélas ! vous ne savez pas combien de douleurs vous attendent sur vos lits de duvet ! Quelques années de cette paix que vous achetez si cher vous moissonneront en plus grand nombre que ne pourrait le faire la guerre la plus désespérée[1] » S’approchant d’une espèce de guéridon placé au milieu de son cabinet, il écrivit alors sa seconde abdication ; cette pièce, dont l’original manuscrit a été conservé, est ainsi conçue :

« Les puissances alliées ayant proclamé que l’empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l’Empereur, fidèle à son serment, déclare qu’il renonce, pour lui et ses enfants, aux trônes de France et d’Italie, et qu’il n’est aucun sacrifice, même celui de la vie, qu’il ne soit prêt à faire aux intérêts de la France. »

Ney, Macdonald et Caulaincourt furent encore chargés de porter cet acte aux souverains et de stipuler, au nom de l’Empereur, les clauses du traité qui devait régler sa position et celle de sa famille. Leur départ fut le signal d’une espèce de

  1. Manuscrit de 1814, par le baron Fain.