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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/427

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— 1814 —

désertion générale. Chacun saisissait le moindre prétexte pour quitter Fontainebleau. Les uns partaient, appelés, disaient-ils, par leurs affaires particulières ; d’autres se faisaient donner une mission, ceux-ci s’absentaient dans l’intérêt de leur arme ou de leur corps ; ceux-là pour aller chercher des fonds ; d’autres, enfin, pour visiter leurs femmes ou leurs enfants malades. Tous, en arrivant à Paris, couraient porter leur adhésion au gouvernement provisoire. La solitude commença pour Napoléon. Il put enfin juger les hommes et mesurer l’étendue de sa chute. Le traité que négociaient alors ses plénipotentiaires lui était tout personnel. Hier, souverain le plus puissant du monde, il ôtait la couronne du front de ceux-ci, et donnait aux autres des royaumes : aujourd’hui, deux de ses maréchaux et son ministre des affaires étrangères discutaient avec les représentants de ces ennemis tant de fois et si longtemps vaincus, le lieu et les conditions de son exil. La pensée de ce débat révoltait sa fierté. Le colonel Gourgaud fut chargé d’aller redemander au duc de Vicence l’acte d’abdication. « À quoi bon un traité, écivait-il à Caulaincourt, puisqu’on ne veut pas régler avec moi les intérêts de la France ? Du moment qu’il ne s’agit que de ma personne, il n’y a pas de traité à faire. Je suis un vaincu. Un simple cartel suffit pour garantir ma liberté. » Gourgaud revint de Paris les mains vides ; le traité fut conclu le 11 avril. Caulaincourt l’apporta. Napoléon, en voyant le duc, réclama de nouveau son acte d’abdication. Caulaincourt lui lit observer que, dès la première séance, cette pièce, base de la négociation, avait dû être communiquée et déposée. Napoléon insista, ajoutant qu’il ne ratifierait pas. « Je ne veux pas de traité pour moi seul ! Je ne signerai pas ma honte ! » répétait-il à Caulaincourt. Vainement ce dernier épuisait tous les moyens de persuasion ; Napoléon, durant toute la journée du 12, persista dans son refus. Quel était le motif de cette résolution si subite et si ferme, quand la cause impériale était abandonnée, même par l’Empereur ? Le duc de