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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 1.djvu/432

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— 1814 —

resté. L’Empereur, après son abdication, ne croyant pas devoir continuer à donner directement des ordres aux troupes, avait confié le commandement de l’armée à ce maréchal, qu’il avait grandi jusqu’à en faire un prince souverain[1]. Ce fut dans un souper où Berthier assistait que Napoléon lui annonça les nouvelles fonctions qu’il venait de lui conférer. Le prince de Neufchâtel remercia, et, après la première effusion de sa reconnaissance, il demanda, en hésitant, l’autorisation d’aller le lendemain à Paris ; elle lui fut immédiatement accordée. « Mais vous ne ferez pas comme les autres, monsieur le maréchal, ajouta Napoléon avec un sourire qui n’était pas sans tristesse, vous tiendrez votre promesse ; je vous reverrai, n’est-ce pas ? — Oh ! Sire, s’écria Berthier, comment pouvez-vous croire... » Il n’acheva pas sa phrase, tant semblait forte l’émotion que lui causait ce doute sur son attachement et sa fidélité ; il y avait des larmes dans sa voix. — Avons-nous besoin d’ajouter que Berthier partit et ne revint pas ? Il envoyait ses ordres de Paris. Confiné dans la bibliothèque du palais, Napoléon ne la quittait que pour se promener dans le petit jardin renfermé entre l’ancienne galerie des Cerfs et la chapelle, ou pour parcourir la galerie où se tenaient les personnes encore attachées à son service ainsi que le petit nombre d’officiers généraux restés à Fontainebleau. Il causait de toute chose, avec tous, familièrement et dans le plus grand calme. Une légère émotion l’agitait pourtant chaque fois qu’il entendait une voiture rouler dans les cours ; il demandait si ce n’était pas Cambacérès, Clarke, Fontanes, Molé, ou quelque autre de ceux qu’il avait tant comblés, qui venaient lui faire leurs adieux. Son espérance se trouvait toujours trompée : il était tombé ; un nouveau pouvoir s’élevait ; c’était aux représentants de ce pouvoir que ses courtisans et ses flatteurs de la veille portaient

  1. Berthier avait reçu de l’Empereur la principauté de Neufchâtel, et, comme les souverains, ce maréchal ne signait plus ses actes publics que de son seul prénom Alexandre.