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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/180

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tance qu’il a fourni, avec le mot de la fin, le titre du poème ; et ce sont là des atteintes à la légende. Mais ces changements n’en ont point altéré le fond. Le poète en a même dégagé plus clairement le sens en ajoutant, par une heureuse invention, les plaintes de l’ours et de la mer à celle du bouleau : dans ces pays déshérités la musique est née du besoin d’oublier les tristesses ambiantes. Et cette tristesse des paysages d’extrême nord, en pouvait-on parler avec plus de vérité, avec plus de sympathie que l’a fait Leconte de Lisle ?


LE RUNOÏA[1]


Le vieux Wäinämöinen était si sympathique à son peuple que la force seule put le détrôner. La Finlande ne perdit sa foi primitive qu’après avoir perdu son indépendance ; elle ne devint chrétienne qu’en devenant suédoise, vers le milieu du XIIe siècle. Encore l’ancienne religion garda-t-elle longtemps des attaches dans le pays. Quand les Finnois eurent enfin accepté Jésus et sa mère, ils ne voulurent pas pour cela exiler le vieillard qui leur avait donné la musique. Ils essayèrent de les faire vivre en bonne harmonie, et naïvement ils installèrent la Vierge Marie à côté de l’ouvrier Ilmarinnen dans la barque où naviguait l’éternel Runoïa.

Le conflit des deux religions avait fait une impression si forte sur les imaginations populaires qu’il suscita de nom-


  1. Poèmes barbares, XIV.