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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/272

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Leconte de Lisle conserve les grandes lignes des trois romances. Mais déjà l’ordre dans lequel il les dispose manifeste un souci singulier de l’effet dramatique. La romance du roi more devient la première, celle de don Fadrique la seconde, celle de doña Blanca la troisième : par une gradation intéressante, mais aux dépens de la chronologie, don Pèdre nous est ainsi montré meurtrier, d’abord de son allié, puis de son frère, enfin de sa femme.

Et chez notre poète, tout se passe avec plus de mise en scène, tout se colore. L’homme qui frappe le grand-maître, le massier envoyé pour tuer la reine n’avaient pas de nom ; le premier se nomme maintenant Pero Lopez, et le second, « étant aragonais, Rebolledo Perez ». Le gentihomme qui refuse l’odieuse mission d’aller à Sidonia s’appelait Ortiz ; ce nom est réservé pour le gouverneur de la prison, et le généreux gentilhomme en reçoit un d’une envergure proportionnée à la noblesse de sa réponse : Juan Fefnandez de Hinestrosa.

Les costumes prennent une physionomie comme les noms, et les lieux comme les costumes. Pendant que don Fadrique songe, en cours de route, aux ordres de son frère, nous voyons le long manteau blanc de l’ordre couvrir sa chemise d’acier et son épée pendre contre ses éperons d’or. À mesure qu’il approche de Séville, nous découvrons avec lui, dans l’air chaud de parfums,


                                  les tours, la cathédrale neuve,
Les mâts banderoles hérissant le grand fleuve
Et le vieil Alcazar des Khalytes défunts.