Page:Vigny - Œuvres complètes, Poésies, Lemerre, 1883.djvu/125

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Dans l’escalier tournant on dirige ses pas ;
Il monte à la prison que lui seul ne voit pas,
Et, les bras étendus, le vieux prêtre timide
Tâte les murs épais du corridor humide.
On s’arrête ; il entend le bruit des pas mourir,
Sous de bruyantes clés des gonds de fer s’ouvrir.
Il descend trois degrés sur la pierre glissante,
Et, privé du secours de sa vue impuissante,
La chaleur l’avertit qu’on éclaire ces lieux ;
Enfin, de leur bandeau l’on délivre ses yeux.
Dans un étroit cachot dont les torches funèbres
Ont peine à dissiper les épaisses ténèbres,
Un vieillard expirant attendait ses secours :
Du moins ce fut ainsi qu’en un brusque discours
Ses sombres conducteurs le lui firent entendre.
Un instant, en silence, on le pria d’attendre.
« Mon prince, dit quelqu’un, le saint homme est venu,
« — Eh ! que m’importe, à moi ? » soupira l’inconnu.
Cependant, vers le lit que deux lourdes tentures
Voilent du luxe ancien de leurs pâles peintures,
Le prêtre s’avança lentement, et, sans voir
Le malade caché, se mit à son devoir.

LE PRETRE.

Écoutez-moi, mon fils.

LE MOURANT.

                                  Hélas ! malgré ma haine,